Les hommes et les femmes réagissent différemment au stress

Une étude réalisée par Bianca D’Antono, chercheuse au Centre de recherche de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) et au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal (UdeM) montre que les hommes et les femmes réagissent différemment au stress.

Quand on place des sujets de recherche en situation de stress, leur rythme cardiaque et la variabilité de ce rythme, leur pression sanguine et leur taux de cortisol varient en fonction de leur sexe, de leur âge et de leur attitude défensive. L’attitude défensive est un trait de personnalité qui pousse l’individu à se tenir loin des informations menaçantes – par exemple les émotions négatives– pour éviter le déclenchement de conflits interpersonnels ou la désapprobation à la suite du dévoilement de ces caractéristiques.

Chez les femmes, une attitude défensive importante face au jugement social ou à une menace à l’estime de soi est associée à une plus forte pression sanguine et à un rythme cardiaque élevé. À l’inverse, ce sont les hommes plus âgés avec une faible attitude défensive qui ont une réponse cardiovasculaire et endocrinienne plus grande. C’est ce que Bianca D’Antono, chercheuse au Centre de recherche de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) et au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal (UdeM), a démontré dans une étude portant sur l’association entre l’attitude défensive et les réactions physiologiques au stress interpersonnel. La recherche, effectuée en collaboration avec Jean-Claude Tardif, directeur du Centre de recherche de l’ICM et professeur à la Faculté de médecine de l’UdeM vient de faire l’objet d’une publication dans le Journal of Psychophysiology.

Les conditions expérimentales

Le stress est un mécanisme essentiel à la survie. Sans stress, pas de réflexes de protection, pas de peur, pas de prévention des risques… Mais le degré de réaction varie d’une personne à l’autre et d’une situation à l’autre. Le stress ressenti après une altercation avec un collègue de travail est différent de celui d’une mère qui se rend aux urgences avec son enfant suite à sa chute dans un escalier.

Si les réactions émotionnelles et physiologiques au stress diffèrent d’un individu à l’autre, des recherches révèlent que certaines situations moins graves objectivement, comme parler et défendre un point de vue en public, peuvent être toutes être stressantes. L’étude s’est intéressée à  comparer les réactions physiologiques des sujets selon leur attitude défensive, leur âge et leur sexe.

« Pour observer les effets physiologiques du stress, il faut d’abord fixer des paramètres objectifs. Or, plusieurs types de situations stressantes peuvent être reproduites en laboratoire» explique Bianca D’Antono. Pour diverses raisons, les chercheurs ont opté pour des «défis psychologiques de nature interpersonnelle». En plaçant les sujets dans des situations stressantes d’intensité faible ou modérée, les chercheurs ont pu évaluer les réactions physiologiques à ces situations.

Quatre expériences d’une durée de cinq minutes chacune ont été testées. Dans la première, les sujets (118 femmes et 81 hommes âgés de 20 à 64 ans) ont simplement lu un texte de géographie à l’expérimentateur. Dans la deuxième et la troisième expérience, les sujets devaient se livrer à un jeu de rôle basé sur deux scénarios : l’un avec des répliques neutres ou agréables, l’autre avec des dialogues agressifs. Dans la dernière expérience, les sujets devaient débattre leur point de vue sur l’avortement avec une autre personne.

Préalablement, les sujets avaient rempli divers questionnaires et leur degré d’attitude défensive avait été estimé à l’aide d’une échelle psychométrique reconnue en recherche (la Marlowe-Crowne Social Desirability Scale).

Les mesures physiologiques (pression sanguine, rythme cardiaque et sa variabilité) ont été prises durant les conditions expérimentales grâce à des électrodes et un moniteur fixés sur la poitrine et à l’un des bras des sujets. Après chaque épreuve, un échantillon de salive était également prélevé afin de connaitre le taux de cortisol des sujets. Rappelons que le cortisol est une hormone du stress chez l’humain.

Hommes et femmes inégaux face au stress

Les résultats de ces tests ont révélé que les hommes de 50 ans et plus qui ont une faible attitude défensive ont un accroissement de la pression sanguine et un taux plus élevé de cortisol lorsqu’ils sont en situation de stress. Sensiblement la même chose se produit chez les femmes qui ont une attitude défensive très marquée. «De plus en plus d’études confirment que les hommes et les femmes gèrent leur stress différemment, dit le Dr Tardif. Les résultats de notre recherche donnent à penser que les femmes qui sont davantage sur la défensive courent plus de risques cardiovasculaires alors qu’une faible tendance défensive peut être dommageable pour la santé des hommes plus âgés

Une autre étude publiée récemment dans Biological Psychology et menée auprès de ce même groupe de sujets appuie cette affirmation. «Nous avons démontré l’existence d’un plus lourd fardeau métabolique chez les femmes qui ont une attitude défensive plus marquée et, inversement, un plus grand fardeau métabolique chez les hommes dont l’attitude défensive est peu prononcée. Cela appuie notre hypothèse d’un risque cardiovasculaire plus haut chez ces individus » précise Bianca D’Antono.

«La réponse physiologique au stress interpersonnel varie selon le sexe et l’âge. Elle est liée au désir de maintenir une image de soi positive et de préserver ses relations sociales dans le cas des femmes et des hommes plus âgés » résume le Dr Tardif. Mme D’Antono va plus loin et précise « le sentiment d’appartenance est un besoin fondamental pour les êtres humains. Plusieurs observations laissent croire que la socialisation est innée et que l’inclusion dans un groupe a pu favoriser la survie de nos ancêtres. Par conséquent, il se pourrait qu’aujourd’hui, pour la majorité des gens, l’exclusion sociale soit perçue comme une menace grave à leur existence. Un système de défense en réaction à la possibilité d’exclusion s’avèrerait utile afin d’assurer la protection du bienêtre social et de l’estime de soi devant cette menace potentielle

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